Lundi 7 mai 2068. 13 heures. Le soleil est au zénith. Sur la voie parfaitement vitrifiée qui relie Gap à Briançon, un humain et un synsynaptique. Tout à coup, sans prévenir son compagnon de voyage, ce dernier déboîte sur la gauche, sort ses chenillettes, fait quelques mètres et s’arrête à l’ombre d’un olivier oublié.
— Pourquoi tu t’arrêtes, Rump ?...
— ...elstilzchen ! complète le synsynaptique pour la millième fois.
— Pourquoi tu t’arrêtes, Mon bon Maître synsynaptique !
Le synsynaptique baisse la voix :
— Chuut, écoute !
Devant eux, un champ de lavande précoce descend jusqu’à la rivière asséchée et ses quelques arbres. Sous les claquements réguliers des fouets des droïdes, une rangée d’hommes récoltent les fleurs, à la main. Ils chantent. Et leurs chants, lents, graves et tristes, rythmés par les lanières de carbone qui sifflent sur leur tête, montent au-dessus des cigales, du vent et de la chaleur qui vibre. Le synsynaptique est ravi, il pleure, son liquide lacrymal fluo mousse sur ses cardans. L’homme se tait, lui aussi est ému, mais lui parce qu’il sait la sueur et la peine, les mains qui sèchent et se crevassent, les dos qui brûlent, leur soif, leur fatigue. Il en a vite assez.
— Allons-nous-en ! s’écrie-t-il.