La Magie au dix-neuvième siècle

« Si la nuit, depuis longtemps répandue sur les faits surhumains et comme adhérente à leur substance, commence à se dissiper, il faut remarquer que d’épaisses, que de singulières ténèbres, et je ne sais quelle sorte de malédiction les couvrent encore. Le soleil darde ses rayons les plus directs sur la terre où ils germent, et la lumière y ruisselle ; elle semble non-seulement tomber du haut des cieux pour les couvrir, mais sourdre d’en bas pour les atteindre, et jaillir du sol jusque par ses moindres fissures pour les envelopper ; ce qu’elle éclaire pourtant, on ne le voit pas, ou du moins on le voit mal et peu.
Or, non-seulement ce phénomène est un prodige, mais ce prodige est à lui seul, et par sa simple présence, une des preuves les plus inaperçues et les plus colossales du surnaturel. Disons-le donc, et supplions, en le disant, chacun de nos lecteurs de vouloir bien contrôler cette pensée, qu’à cause de son extrême importance nous allons répéter sous forme de variante.
Au milieu des profusions et des splendeurs de la lumière qui semble nous poursuivre, un effet bizarre frappe un nombre chaque jour croissant d’observateurs, dont quelques-uns le subirent eux-mêmes, et le voici : C’est la multitude immense, effrayante de ceux dont les yeux intellectuels se troublent, s’éteignent, s’imprègnent d’obscurité, se gonflent de ténèbres et condensent la nuit dans leur orbe dès que le jour qui tombe devant eux s’épanche sur un fait surnaturel ou surhumain. Ce que mille autres, à côté d’eux, voient dans ces faits, ils sont condamnés à ne point le voir ; une obscurité toute particulière, et que l’école appellerait sui generis, les enveloppe et les protége contre les vérités de la vision. Ce prodige est à coup sûr le plus grand de ceux qui remuèrent les grandes époques, les âges du monde où le Merveilleux foisonna. Le doigt de Dieu s’y reconnaît. »

Fruit d’une sélection réalisée au sein des fonds de la Bibliothèque nationale de France, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques dans les meilleures éditions du XIX^e siècle.